La dissociation traumatique est due à un mécanisme neuro-biologique de sauvegarde exceptionnel mis en place par le cerveau de la victime pour survivre à un stress extrême. Les violences par leur caractère impensable produisent un état de sidération qui, en paralysant les fonctions mentales supérieures, rend incontrôlable la réponse émotionnelle. Cet absence de contrôle est à l’origine d’un état de stress dépassé qui représente un risque vital pour l’organisme. Pour y échapper le cerveau isole la structure à l’origine de la réponse émotionnelle et sensorielle - l’amygdale cérébrale - en faisant disjoncter le circuit émotionnel ce qui interrompt la production d’hormones de stress (adrénaline et cortisol). L’amygdale cérébrale est isolée du cortex ce qui entraîne une déconnection de la victime avec ses perceptions sensorielles, algiques, et émotionnelles, avec une anesthésie émotionnelle, c’est ce qu’on nomme la dissociation traumatique. L’amygdale cérébrale est également isolée de l’hippocampe, structure cérébrale dont les fonctions sont d’être un système d’exploitation très sophistiqué permettent l’intégration de la mémoire émotionnelle et sensorielle indifférenciée en mémoire autobiographique et de permettre un repérage temporo-spatial, cette interruption entre l’amygdale cérébrale et l’hippocampe empêche l’intégration de la mémoire émotionnelle des violences, c’est ce qu’on appelle la mémoire traumatique. Avec cette mémoire traumatique brute, non consciente et hors temps, les victimes vont revivre à l’identique les pires moments, de façon incontrôlée et envahissante, avec la même terreur, les mêmes douleurs, les mêmes ressentis sensoriels sous forme de flashbacks (images, bruits, odeurs, sensations, etc).
Cette dissociation traumatique peut durer que quelques minutes ou quelques heures, ou bien s’installer dans la durée si la victime reste exposée aux violences ou au danger qu’elles se reproduisent. Les enfants victimes de violences, en raison de leur immaturité neurologique et de leur plus grande vulnérabilité sont encore plus exposés à une sidération traumatique et se retrouvent d’autant plus gravement dissociés.
Ce mécanisme de survie a un coût très important pour la victime, d’autant plus s’il se chronicise, comme nous allons le voir. En la privant de réactions émotionnelles et de ressentis, il va altérer gravement les capacités affectives et relationnelles de la personne traumatisée, l’expression de sa personnalité, et ses possibilités de réagir face à des dangers, de se défendre, s’opposer et se révolter, l’exposant à un risque majeur de subir de nouvelles violences, d’être mise sous emprise, et de vivre des situations de marginalisation et de grande précarité. La dissociation est également corporelle et elle entraîne des difficultés pour la victime à percevoir les signes d’alerte et de souffrance à en prendre soin, avec un seuil trop élevé de tolérance émotionnelle à la douleur et au stress. La dissociation traumatique a un impact très délétère sur la santé psychique et physique des victimes, elle altère également la mémoire et peut être à l’origine d’amnésie traumatique. Elle est source de beaucoup de souffrance et de sentiments d’étrangeté, de perte de repère, de sentiments de dépersonnalisation, d’être différent des autres, d’isolement et d’absence d’estime de soi.
Cette dissociation traumatique reste méconnue, encore plus que la mémoire traumatique, très peu identifiée comme telle, ni reliée à sa cause : un traumatisme. Elle peut être confondue avec des troubles autistiques, psychotiques, avec des déficiences mentales et des démences, avec des troubles graves de la personnalité. Elle est source chez les professionnels qui ne savent pas la repérer par manque de formation, d’une très grande difficulté à évaluer le danger que court la victime et la gravité du traumatisme qu’elle présente. Et elle est un facteur de risque d’absence de protection et de prise en charge, ainsi que de maltraitances. La méconnaissance de la dissociation traumatique alimente le déni, la loi du silence et l’abandon que subissent la plupart des victimes.
L'association Mémoire Traumatique et Victimologie
https://www.memoiretraumatique.org/psychotraumatismes/dissociation-traumatique.html